• Un manuscrit de Gilles Corrozet

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25 juin 2024 by 

Parmi les manuscrits remarquables du couvent des Minimes, on remarque aussi une oeuvre remarquable. Il s'agit d'un témoin qui porte un texte en français et des corrections qui montrent que le texte a été traduit depuis une autre langue, vraisemblablement le latin. La difficulté, c'est que l'original de ce texte était déjà en français : il faut donc imaginer un texte français (les Propos mémorables), traduit en latin (par un moine franciscain), puis retraduit en français au XVIIe siècle à Rome. Personne ne sait qui était ce traducteur tardif qui cherchait manifestement à redonner au public francophone une version retouchée du texte.

Le premier auteur, Gilles Corrozet, est bien connu : c'est un auteur et un libraire parisien du XVIe siècle. Comme libraire, il officie dans la galerie du Palais. Comme auteur, il publie de la poésie, des emblèmes et plusieurs textes qui citent et présentent les rues de Paris ou la géographie de la France.

Les propos mémorables de Gilles sont constitués d'un ensemble d'anecdotes à vocation morale qui illustrent de façon plaisante et souvent ironique les faiblesses de l'âme humaine, même lorsqu'il s'agit des grands de ce monde. Ainsi pour cette réflexion sur la richesse ostentatoire des rois et des évêques

De l'évêque de Chartres et du roy Louis unzième
Le Roy Louis Unzième, voyant quelquefois Miles evéque de Chartres, monté sur une mule harnachée de velours, avec les freins dorez luy dit que les évéques du temps passé se contentoient d'un âne ou d'une ânesse, avec un simple licol. C'étoit du temps, dit m'éveque que les Roys étoient bergers et gardoient les brebis. Le roy repliqua. Je ne parle point de ceux du vieux testament. Je dy du nouveau. L'éveque dit : c'étoit lorsque les Roys étoient grands aumôniers, qu'ils faisoient assoir les ladres à leur table et lavoient les pieds aux pauvres.
Les Roys n'ont jamais quitté les ornemens precieux, mais en la primitive église les evéques se contentoient de simples habits.

dans le même ordre d'idées, c'est le goût de la richesse qui est pointée du doigt dans cet autre passage où il est question d'un pape:

Les rimes joyeuses/ les plaisantes rimes/ du pape Sixte. Le pape Sixte avant la Papauté/avant la promotion au pontificat/ ne mangeoit que du pain et ne buvoit que de l’eau, disant : Panis et Aqua, Vita beata. Quand il fut élevé à la dignité Papale, et qu’on le voulut ainsi servir/ et quand on le voulut servir, il le refusa, disant au contraire : Aqua et panis est vita canis

Loin de la théologie savante et janséniste d'un François Dyrois, ce projet de réédition corrigée du recueil de Corrozet, le manuscrit du couvent des Minimes cherchait l'édification morale des lecteurs.

Pour consulter quelques pages du manuscrit :